La ville de Shimabara est souvent délaissée au profit d’une visite de Nagasaki, bien plus connue. Pourtant, son passé historique est loin d’être anecdotique. Fief féodal de grande renommée, c’est sur ses terres que ce sont jouées les pires heures de la persécution des chrétiens, qui conduisirent à la fermeture des frontières du Japon durant toute l’époque Edo. Aujourd’hui, la ville est pacifiée : elle cohabite cependant avec le mont Unzen tout proche, l’un des volcans les plus dangereux au monde. Cela fait donc beaucoup de bonnes raisons de venir s’y promener !
Sommaire
1 – Venir à Shimabara
Durant ce voyage, j’ai testé les 2 principales voies d’accès pour découvrir la ville : par la route et par la mer. Pour cette excursion d’une journée, je suis donc arrivé via les enfers de Unzen en voiture. La route est très agréable, peu fréquentée, et offre de beaux panoramas sur le volcan.
Pour le retour, j’avais prévu de rejoindre Kumamoto. Pour y aller par la route, il faut compter plus de 4h de trajet car il faut faire tout le tour de la baie d’Ariake. J’ai donc choisi une option bien plus rapide : prendre le ferry entre les deux villes, en mettant la voiture en soute ! Comme on était en pleine Golden week, je craignais l’afflux de passagers et j’ai préféré réserver les places en avance. Mais en réalité, c’était inutile car il y avait encore plein de disponibilités le jour J.

Le trajet m’aura donc coûté 5 470 yens pour 3 adultes avec la voiture (une Toyota Corolla break). Honnêtement je trouve le tarif correct vu le gain de temps, et l’économie en essence par rapport à un trajet effectué par la nationale. Pour vous renseigner sur les horaires, il suffit d’aller sur le site de la compagnie Kyusho ferry. Point de détail : seule la version japonaise du site permet de réserver en ligne, n’hésitez donc pas à changer la langue en haut à droite si besoin.
J’ai beaucoup aimé ce trajet du retour par la mer car il m’a permis de poser le volant durant une heure, de basculer de conducteur à passager. J’ai absolument adoré conduire durant ce road trip de 15 jours à Kyushu, mais parfois, j’aurais aimé avoir plus de temps pour contempler les paysages, et moins la signalisation. Ici, je me suis rattrapé car la vue depuis l’arrière du bateau au départ de Shimabara était splendide. Même si le ciel était voilé, on a eu droit à un panorama magnifique sur le mont Unzen, coiffé de rayons de soleil filtrés par les nuages. Le tout avec un bon air marin (et quelques relents des fumées de fuel selon le sens du vent 😅).



2 – Le château de Shimabara
2.1 – Visite des extérieurs
La matinée était déjà bien entamée quand nous sommes arrivés à Shimabara. Première grosse surprise, le parking pour visiter le château se situe dans l’enceinte des fortifications, au pied du donjon principal, ce qui est assez unique au Japon ! Se garer juste en-dessous, c’est la grande classe quand même ! Mais à la réflexion, c’est bien dommage que le parking ne soit pas déplacé ailleurs car on a un peu de mal à se mettre dans l’ambiance de l’époque. Le donjon blanc (tenshu) ainsi que les tourelles (yagura) ont été reconstruits en béton armé après la seconde guerre mondiale.
A l’intérieur du donjon, on trouve le musée municipal qui présente l’histoire féodale de la ville avec un zoom sur la rébellion de Shimabara. Je ne l’ai pas visité faute de temps, j’ai préféré faire le tour de l’enceinte à pied.




2.2 – La rébellion de Shimabara
En venant ici, il est impossible de manquer cet épisode sanglant qui a profondément marqué l’histoire du pays. Ce soulèvement s’est déroulé au début de l’année 1638, pour se conclure par la mort de presque 40 000 personnes. Matsukura, le seigneur local, dirigeait Shimabara comme un tyran. Taxes abusives, prélèvements infondés sur la production de riz, tortures menées sur les chrétiens : toutes ces raisons ont conduit à un soulèvement paysan massif, rejoint par des ronins. Le pouvoir central des Tokugawa a donc dépêché des troupes qui on maté la révolte, et surtout exécuté un certain Amakusa Shiro. Ce jeune homme chrétien de 17 ans était vu par les insurgés comme un saint à la tête de la révolte. Après cette hécatombe, Tokugawa a d’abord convoqué le seigneur Matsukura à Edo pour l’exécuter : il a ainsi reconnu les souffrances infligées à la population, puis a nommé un nouveau seigneur qui s’est empressé de supprimer des taxes. Si les Tokugawa ont accepté les revendications économiques de la population, ils sont en revanche restés intraitables avec le mouvement chrétien qui représentait une menace réelle dans la cohésion du pays. A compter de cette date, le Japon expulsa définitivement les missionnaires portugais et interdit strictement la chrétienté. Seuls les commerçants hollandais seront autorisés à séjourner dans l’enclave de Dejima pour y faire des affaires. C’est le début de 250 ans de fermeture du Japon à l’international.
3 – Une ville aux eaux de qualité
Au fil des séismes et des éruptions volcaniques, les failles ont modifié les réseaux de nappes souterraines pour faire converger en ville de nombreuses sources de grande qualité. Shimabara est d’ailleurs surnommée la ville d’eau, car on y trouve des canaux qui la traversent partout dans le centre ville. C’est d’ailleurs surprenant d’en trouver en plein milieu de la galerie commerçante (shotengai), je n’en ai jamais vu ailleurs jusqu’à présent ! Des carpes koi y nagent librement, signe effectivement d’une belle qualité, car c’est un poisson fragile. Il y avait vraiment de sacrés spécimens, faciles à prendre en photo tant l’eau était claire. La balade était très agréable avec ce bruit de l’eau qui nous accompagnait partout.

4 – L’ancien quartier de samouraïs
Le quartier de Shimabara Bukeyashiki est situé juste à proximité du château. Par chance, il a été préservé des affres des promoteurs immobiliers. Ici encore, les rigoles traversent les anciennes rues de terre battue, jouxtées de hauts murs de pierre derrière lesquels se cachent d’anciennes résidences de samouraïs. Toutes les visites sont gratuites, il ne faut donc pas se priver de passer les portes. Il y a vraiment un beau potentiel mais malheureusement, les bâtiments ne sont pas tous très bien entretenus, tout comme les jardins. Désolé de ne pas pouvoir vous présenter des photos des intérieurs, j’ai tout simplement oublié d’en prendre ! Si vous avez vu d’autres maisons traditionnelles ailleurs, il n’est pas indispensable de rentrer je pense. En revanche, la rue principale est vraiment photogénique.


5 – Prendre une pause au café Budo batake
J’avais repéré ce café en avance pour l’après-midi et j’ai eu le nez fin : ce fut la plus belle expérience que j’ai pu faire jusqu’à présent dans un kissaten 😍 ! Ce café est une véritable bulle hors du monde. Si vous avez lu les romans de la série Tant que le café est encore chaud, vous y trouverez l’ambiance décrite par l’auteur.
Ouvert il y a bientôt 50 ans, le mobilier et la décoration ont gardé leur charme rétro. Les propriétaires sont absolument adorables, et aux petits soins. On voit clairement qu’ils sont passionnés par leur travail, qu’ils mettent du cœur à l’ouvrage et que chaque geste est maîtrisé, voire même calculé pour qu’on profite d’une vraie beauté du service. Dans l’assiette, on retrouve les classiques des kissaten parfaitement maîtrisés, magnifiques visuellement et excellents. Le café était également à tomber. Une adresse vraiment incroyable qui vaut le déplacement à elle seule à Shimabara.

6 – Les spécialités culinaires de la ville
Deux spécialités locales reviennent en tête d’affiche. Elles ne sont préparées qu’à Shimbara, alors il ne faut pas hésiter à les tester, il n’y aura pas d’autre occasion !
6.1 – Le kanzarashi, douceur au miel
Le kanzarashi est un dessert à base de petites boules de mochi, servies dans une coupe avec un sirop de miel. Le sirop étant fabriqué avec l’eau de source de la ville, il aurait un goût caractéristique qu’il n’est pas possible de retrouver ailleurs. J’ai dégusté le mien dans une boutique de l’enceinte du château. C’était très rafraîchissant et sucré au contraire des autres desserts japonais traditionnels. Je vous le recommande sans hésiter.

6.2 – La soupe guzoni
Ce plat a été créé par le fameux Amakusa Shiro durant la rébellion de Shimabara. Il ordonna aux rebelles de stocker du mochi comme aliment de base, et de faire des réserves de plantes sauvages des montagnes et d’algues de la mer d’Ariake pour tenir le siège. Ils les cuisinèrent ensemble dans une soupe appelée zoni. Ce fut leur unique source de nourriture jusqu’à la chute du château. En 1813, le restaurant Himematsuya imagina d’améliorer le goût du zoni en le complétant par d’autres ingrédients. Ce fut le début du guzoni, toujours servi dans l’adresse historique face au château.
Pour avoir déjà testé ce genre de plats dans la préfecture de Tottori, je ne suis pas méga fan de mochi bouilli. Je ne pourrai donc pas vous en dire plus niveau goût, je me suis limité à prendre une photo de la réplique du plat en plastique depuis la vitrine du restaurant 😆.

C’est donc sur cette touche gourmande que se termine cet article. J’aimerais revenir à Shimabara, non pas pour tester ce guzoni, mais pour explorer le Sud de la ville qui comporte des traces des anciennes explosions du mont Unzen. On peut y voir des coulées de laves et des vestiges de bâtiments ensevelis, et il y a enfin de belles rizières en terrasse. L’excursion d’une journée était donc un peu courte pour tout voir, n’hésitez pas à rester une grosse demi-journée de plus.



Sympa d’avoir ton point de vue sur Shimabara, d’autant qu’on a visité les lieux à quelques jours d’intervalle seulement. Pour moi c’était l’inverse, je venais de Kumamoto et j’ai pris le ferry sans véhicule (OMG cette vue sur le mont Unzen depuis le bateau était incroyable, je confirme) !
Bien d’accord avec toi pour le parking au pied du donjon, j’en ai parlé aussi dans mon article d’ailleurs, c’est vraiment un choix très douteux.
Ta réf au mochi shabu de Kurayoshi m’a bien fait rire, c’est vrai que le mochi bouilli c’est un peu spécial. JE suis passée à côté de cette étrange soupe guzoni dont tu parles, mais je note pour Gotochi du coup, merci^^
La vue depuis le bateau sur Shimabara a un petit côté « Mordor – terre du milieu » 🤣