Si je suis venu à Unzen, c’est d’abord pour approcher l’un des volcans les plus actifs et dangereux du monde. Je l’ai découvert très tôt en enfance grâce aux reportages TV du célèbre couple de volcanologues français, Maurice et Katia Krafft. Ces derniers sont d’ailleurs décédés en 1991 sur les pente de ce volcan. Le mont Unzen a toujours été réputé pour son imprévisibilité et la puissance de ses nuées ardentes. Malgré leur grande expérience, ils sont se fait piéger par une éruption. Aujourd’hui, j’ai décidé de suivre leurs pas, mais sans toutefois prendre le moindre risque. Je suis resté loin de la bouche du volcan et de l’axe des coulées pyroclastiques, pour découvrir la petite station thermale de Unzen et ses « enfers ». Un sacré aperçu de la puissance de la Terre !
Sommaire
1 – Une péninsule née d’un volcan
Unzen onsen est situé au Sud de la ville de Nagasaki, sur la péninsule de Shimabara. Vu du ciel, on voit tout de suite que le volcan a créé la région de toutes pièces. Ce sont ses coulées successives qui ont permis de gagner du terrain sur la mer. En regardant sous nos pieds, on réalise mieux le processus géologique à l’oeuvre dans ce coin du Japon. Une chambre magmatique unique va alimenter un même réseau de trois stations thermales. Unzen onsen correspond ainsi au village situé le plus en altitude, et le plus proche du cratère principal. Très calme et assez isolé, il faudra emprunter quelques lacets en voiture pour y arriver. Clairement, on ne passe pas ici par hasard. Je vous recommande sans hésiter une location de voiture pour vous déplacer au mieux et faire des arrêts photos sur la route qui est très agréable.


Je suis pour ma part arrivé par la route 207 depuis la préfecture de Saga qui est ponctuée par de surprenants abribus en forme de fruits. J’ai ensuite poursuivi par la route 131, la plus directe. Depuis Fukuoka, il faut compter un peu plus de 2h30. J’ai ensuite quitté la péninsule en prenant le ferry entre Unzen et Kumamoto. C’était bien plus rapide vu le détour à faire par la route, et pour un tarif équivalent car on économise largement en carburant et en péages.

2 – Unzen Jigoku, bienvenue dans les « Enfers »
Nous sommes donc au cœur du parc national d’Unzen-Amakusa, fondé en 1934. Notre destination finale, c’est Unzen Jigoku, littéralement « les enfers de Unzen ». Il s’agit d’une zone assez surréaliste, d’où s’échappent des colonnes de vapeur. Des pontons sont aménagés autour de ce désert minéral pour éviter de mettre malencontreusement un pied dans une source brûlante. Le lieu m’a vraiment impressionné car ce n’est pas juste une petite fumerolle qui s’échappe d’un trou du sol. Ce sont littéralement de grosses bouches qui crachent violemment des gaz pouvant atteindre 120°C. L’air est imprégné de l’odeur caractéristique du soufre. Je craignais une atmosphère trop forte d’œuf pourri qui prenne la gorge, mais c’était largement supportable. Et juste à côté, il y a la route, des ryokan, et le village.
Le bruit des sifflements, la chaleur et la vitesse d’expulsion des vapeurs blanches sont saisissants. Pas de doute, on marche sur le couvercle d’une immense cocotte-minute ! Comme je suis arrivé en fin de journée, le soleil couchant créait des effets d’ombres qui rajoutaient un côté dramatique et inquiétant : le nom « d’enfers » n’est pas usurpé. Je n’y suis resté qu’une petite heure, pressé par le crépuscule et le check-in du ryokan prévu à 18h. Pas grave, j’y suis retourné le lendemain matin !





La zone vers la route principale était la plus active lors de mon passage. Avant que la nuit n’arrive, j’ai entamé la promenade sur le circuit du ponton qui permet de faire le tour de l’ensemble des enfers. Les chemins sont très bien entretenus, on se sent en sécurité, même s’il faut parfois courir au milieu de panaches de vapeur qui enrobent totalement les pontons. Au-delà des fumerolles, il y a plein de curiosités géologiques à observer : des dépôts de minéraux tantôt blancs, tantôt jaunâtres, des mares bouillantes de boue… C’est assez unique, et malgré l’aménagement du sentier, le paysage est resté très brut. Au loin, des volutes s’échappent de la forêt, signe d’autres résurgences de gaz.

S’il y en a qui ne sont pas perturbés par ce décor, ce sont bien les chats errants de Unzen, affalés le long du chemin. Ils étaient plutôt amicaux, sûrement habitués à voir du monde tout au long de la journée. Certains avaient quand même l’air légèrement shootés au soufre 😅. Ils semblaient toutefois être en bonne forme.

3 – L’histoire chrétienne sombre de Unzen
3.1 – La répression du christianisme au Japon
Le christianisme est arrivé au Japon via des missionnaires portugais et hollandais débarqués à Nagasaki au milieu du XVIème siècle, juste à côté de Unzen. Dès les années 1580, les dirigeants japonais se sont méfiés des ambitions coloniales des Européens. Très vite, ils ont majoritairement vu cette religion comme une menace pour l’unité nationale. Le régent Toyotomi Hideyoshi a d’abord émis une interdiction des missionnaires jésuites en 1587. Dix ans plus tard, les premiers chrétiens sont crucifiés à Nagasaki. Ces démonstrations de force n’ayant pas suffit à réprimer les conversions, c’est finalement le shogunat de Tokugawa qui a prononcé l’interdiction totale du christianisme en 1614, suivie de plusieurs épisodes sanglants. Les rares chrétiens qui ont alors souhaité poursuivre leur culte ont basculé dans la clandestinité.
3.2 – Unzen jigoku : un site de martyres
Pendant cette période de persécution, les enfers de Unzen sont devenus un instrument de torture et d’exécution. Entre 1617 et 1632, des chrétiens furent soumis à une pratique brutale connue sous le nom de « yama iri ». Il s’agissait de plonger de force les croyants dans les sources chaudes brûlantes jusqu’à ce qu’ils renoncent à leur foi. D’autres étaient arrosés avec des louches d’eau brûlante. Sur le sentier, un petit panneau indique plus particulièrement le Jaken jigoku, c’est-à-dire « les enfers des pensées malhonnêtes ». C’était ici que les tortures étaient effectuées. Une grande croix a également été érigée pendant l’ère Meiji pour commémorer cet épisode. Plus loin, l’enfer Seishichi jigoku reprend le nom d’un chrétien qui y fut exécuté.
Pendant ma visite, un groupe de croyants s’est d’ailleurs recueilli sur place. Ils ont carrément sorti un calice, des tissus blancs, et se sont lancés dans une courte messe en plein air. Vu de mon oeil extérieur, il y avait un côté fanatique qui dépassait largement le simple devoir de mémoire. C’était assez déroutant, j’ai donc préféré poursuivre mon chemin.

4 – Une nuit au ryokan Unzen Fukudaya
Après ces paysages et cette histoire torturée, place à l’autre facette de Unzen : celle de la détente et de l’hospitalité ! J’avais réservé une nuit au ryokan Unzen Fukudaya situé à moins de 10 min à pied des enfers. C’est un bâtiment plutôt moderne rénové récemment, qui allie confort et haut niveau de service. Mais surtout, les onsens sont magnifiques ! Plusieurs bains intérieurs et extérieurs sont disponibles dans l’établissement : ils étaient tous de qualité, avec une température correcte sans être trop brûlants.
La chambre à l’occidentale était confortable, le repas kaiseki très bien exécuté. Comme à chaque fois, il proposait des ingrédients locaux et de saison, avec une vaisselle splendide. Le menu incluait même une fondue au fromage qui est la spécialité du ryokan. Pour l’expérience gustative, on repassera, on est loin de la qualité de nos fromages. C’était fade… et plastique. Heureusement que les autres plats relevaient le niveau. On a surtout beaucoup ri avec la serveuse quand elle nous a demandé ce qu’on en avait pensé en tant que Français 😅.




5 – Un aperçu du parc national d’Unzen-Amakusa
5.1 – S’approcher du volcan au col de Nita
On peut s’approcher du volcan principal en empruntant la route qui monte au col de Nita. Un droit de passage de 100Y est demandé pour contribuer à la préservation de l’environnement. On paye le montant à un portique de péage avant d’emprunter la voie. C’est une route à sens unique très bien entretenue, construite à flanc de montagne : les panoramas sont à couper le souffle. Au cours de l’ascension, je me suis arrêté au point de vue n°2 qui dispose d’une plateforme avec une vue imprenable sur le mont Heisei Shinzan.


Comme vous pouvez le voir ci-dessous, ce mont n’existait pas avant les années 1990 (1ère photo). Depuis le point de vue à l’époque, on pouvait voir le mont Fugen (1 359 m) qui était alors la plus haute montagne de la péninsule. Une intense éruption volcanique a débuté en 1991 et, durant les cinq années suivantes, des dômes de lave se sont formés puis se sont effondrés, provoquant des avalanches destructrices de gaz brûlant, de cendres et de boue. Ce sont les fameuses coulées pyroclastiques fatales au couple Krafft. En 1998, le mont Heisei Shinzan s’est stabilisé (2nde photo).

5.2 – Le royaume des azalées
Qui dit parc national dit espèces protégées : de magnifiques azalées sauvages poussent sur les pentes du volcan, dans un environnement primaire très bien préservé. Les deux principaux points de vue se situent au col de Fukikoshi et au col de Nita. Normalement, les azalées devaient être à leur apogée mi-mai pendant mon séjour, mais les fleurs n’étaient malheureusement pas encore bien ouvertes. Le changement climatique est de plus en plus perceptible, ce qui complexifie les prévisions. Du fait du manque de fleurs, je n’ai pas emprunté le téléphérique au bout du col de Nita pour monter jusqu’à l’observatoire supérieur. Je me satisfais donc des paysages qui restent magnifiques, même sans les touches de fuchsia qui doivent encore le sublimer. Note à moi-même : revenir en novembre, car le spectacle en automne doit aussi valoir le coup !

Ci-dessous, ce que j’attendais de voir au bas du téléphérique.

Et la vue que j’avais, on voit surtout… le beau potentiel avec ces bourgeons qui ne demandent qu’à s’ouvrir !


5.3 – La ville de Shimabara
Grosse agglomération aux pieds du volcan, la ville de Shimabara est une bonne synthèse de toutes les découvertes vues précédemment. C’est un haut lieu de l’histoire du christianisme au Japon, et elle présente encore des marques des anciens assauts du mont Unzen. Son passé historique de l’époque Edo est également bien préservé. C’est une visite complète qui mérite un article en soit, je vous en reparle donc très prochainement sur le blog 😉.

On se quitte donc sur cette étape entre Unzen onsen et l’observatoire du mont Heisei Shinzan. Si vous venez à Nagasaki, n’hésitez pas à vous octroyer une sortie à Unzen, même à la journée, car ce spectacle géologique est vraiment unique sur Kyushu.



Chouette article 🙂
C’est amusant, quand je lis tes comptes-rendus sur des endroits où je suis allée, je découvre toujours de nouvelles choses qui complètent mon parcours. En l’occurrence, je ne suis pas allée jusqu’au col de Nita mais j’ai poussé un peu plus que toi l’exploration de la zone des Enfers. Et je n’ai pas dormi sur place (mon hôtel était à proximité du terminal maritime). Cette région de la péninsule de Shimabara est splendide. J’y ai retrouvé un peu de l’atmosphère de Beppu, dans un style un peu moins folklorique cela dit. Au moins ici, les Enfers sont gratuits^^
Bizarre cette cérémonie religieuse. Je pense que je me serais sauvée moi aussi, les chats sont de bien meilleure compagnie 😉
C’était l’avantage d’avoir une voiture, pouvoir pousser sur le col de Nita. Et même si c’était un échec total sur la floraison des azalées, les points de vues étaient chouette et la route très calme, alors qu’on y était en pleine Golden week. Et je suis d’accord avec toi, c’est toujours intéressant de comparer nos retours et photos car on ne voit pas la même chose ni les mêmes détails !