Je suis très attaché à l’arrondissement de Taito à Tokyo, et plus spécifiquement au quartier historique d’Asakusa et à son magnifique temple Senso-ji. Impossible pour moi d’envisager un passage à Tokyo sans y venir en pèlerinage. Parfois jugé trop bondé, je vous invite donc à vous excentrer légèrement pour découvrir le quartier limitrophe de Imado qui offre une belle balade à l’automne. Un circuit garanti sans touristes à l’horizon.
Sommaire
1 – Le parc Sanyabori
Durant l’époque Edo (1603-1868), le quartier d’Imado était très vivant, spécialisé dans le commerce et l’artisanat. Les habitants y produisaient des poteries Imado-yaki, réputées dans tout Edo pour leur qualité. Ce type de céramique était utilisé pour les ustensiles du quotidien mais aussi pour des figurines décoratives, dont certaines sont à l’origine des maneki neko.
La découverte du quartier débute donc par le parc Sanyabori, très calme, comme tous les lieux que je vais vous présenter ici. À l’époque d’Edo, c’était un canal qui jouait un rôle essentiel dans le transport de marchandises. Les berges étaient autrefois bordée de maisons de thé et de nombreuses boutiques. Difficile d’imaginer cette ambiance car il est désormais recouvert par une voie verte qui chemine sur l’ancien tracé du cours d’eau. D’ici, on bénéficie d’une vue superbe sur ma tour préférée : la Tokyo Skytree bien sûr !
Le parcours est jalonné de nombreuses statuettes qui rendent hommage à la tradition de poterie du quartier. On y trouve des kitsune, kappa, maneki neko et autres personnages qui peuplent le folklore populaire. Chaque statuette est accompagnée d’une petite plaque qui permet d’en apprendre plus sur son histoire : de quoi réviser les basiques des contes traditionnels. La technique de production des poteries d’Imado a été désignée comme un bien culturel immatériel afin de la préserver, mais il n’existe malheureusement plus qu’un seul atelier d’artisan qui perpétue la confection de ces figurines. Il faudra bien contrôler les horaires pour accéder à la boutique car elle n’est ouverte que les samedi et dimanche (je vous indique l’adresse dans le plan en fin d’article). Pas de chance pour moi car je suis venu en pleine semaine.
2 – Le sanctuaire Imado
2.1 – La légende des chats porte-bonheur
Le sanctuaire d’Imado est sans conteste l’attraction phare du quartier. De taille modeste, il est connu pour sa connexion à deux thèmes très chers aux Japonais : la chance et l’amour. Une légende affirme que c’est ici, à Imado, qu’est né le maneki neko, ce chat porte-bonheur emblématique. Il s’agit plus précisément de la version maru-shime no neko : le chat est représenté de profil, tournant la tête pour nous regarder en levant la patte. La version que l’on connait mieux représente un chat assis de face. Son origine revient au sanctuaire Gotokuji du quartier de Setagaya, toujours à Tokyo (que je vous invite aussi à découvrir).
Selon le récit d’Imado, une vieille femme était si pauvre qu’elle aurait été contrainte d’abandonner son chat car elle n’arrivait plus à le nourrir. Une nuit, en rêve, le chat lui apparut en lui disant qu’il l’aiderait si elle créait une statuette à son image. Le lendemain, la vieille femme se mit à l’ouvrage et entrepris de vendre la statuette derrière le temple Senso-ji. À sa grande surprise, celle-ci connut un succès fulgurant, ce qui lui permit de sortir de la misère. La tradition d’offrir ces figurines pour attirer la bonne fortune était née. En 1852, le maître Hirohige représenta même le stand de vente des maneki neko dans l’une de ses estampes.
2.2 – Que voir au sanctuaire Imado ?
Dès l’entrée, on est accueilli par de nombreuses petites figurines qui décorent l’enceinte, créant une atmosphère très enfantine et joyeuse. Les chats sont disséminés dans les bosquets, sur les rebords de fenêtres… Ils sont déclinés à toutes les sauces : en terre cuite, en porcelaine, et même sous forme d’arrosoir ! Une véritable armée foutraque qui invite à s’approcher. La dame qui entretient le sanctuaire était également très accueillante. Elle parlait bien anglais et m’a raconté son histoire tout en m’invitant à prendre des photos. Grâce à elle, j’ai appris que le sanctuaire était aussi dédié aux divinités Izanagi et Izanami, considérées comme les premiers époux du Japon. De nombreuses personnes viennent donc ici pour prier afin de trouver l’amour ou renforcer leurs liens. Les plaquettes ema, très originales, représentent donc des chats vêtus des tenues traditionnelles des mariés. Ce sanctuaire est une petite bulle d’originalité et de bienveillance, j’ai beaucoup aimé !
3 – Le temple Matsuchiyama Shoden
3.1 – La colline de Taito
À quelques pas du sanctuaire Imado, le temple Matsuchiyama Shoden est une autre pépite du quartier. Niché sur une colline, ce temple bouddhiste de la secte Tendai est l’un des plus anciens de l’arrondissement de Taito. Pendant la période Edo, le mont Matsuchiyama était connu comme l’un des premiers points de vue pittoresques de la capitale de l’Est. Il était très prisé comme sujet pour les gravures ukiyo-e et reconnu pour profiter des feux d’artifices l’été. Selon la légende, cette montagne serait soudainement sortie du sol en 595, et un dragon doré serait descendu du ciel pour la protéger. Quelques années plus tard, une grande sécheresse frappa la région mais le dieu Shoden (Ganesh dans le panthéon bouddhiste) prit pitié de la population. Il mit fin immédiatement à la canicule. Pour le remercier, le temple a été édifié pour le vénérer.
J’avais espéré une vue panoramique depuis le haut de la colline mais toute la jungle des immeubles autour aura eu raison de la vue promise par les estampes 😅. Mais j’ai trouvé le lieu charmant, surtout en ce début décembre. Les couleurs des ginkgos de l’enceinte étaient à leur apogée. Ici encore, on est coupé du bruit de la ville, et on ne rencontre que des locaux. Difficile de croire qu’on est encore en plein Tokyo. En fouinant autour du bâtiment principal, je suis même tombé par hasard sur un petit jardin niché le long d’un pan de la colline. Une vraie oasis en plein cœur de ville.
3.2 – Spiritualité et… radis !
La particularité du temple réside dans les symboles de daïkon (gros radis blancs japonais) et de bourses d’argent.
- Le daïkon symbolise la pureté par sa couleur blanche. Il est également un signe de longévité car il a des vertus détoxifiantes. Ce serait aussi un symbole phallique, donc associé à la descendance et à la longévité.
- Pureté de l’esprit et longévité du corps permettent la prospérité matérielle, d’où… les sacs d’argent. L’association des sacs d’argent et du daïkon nous ramènent à des signes de virilité très évidents 😅.
Beaucoup de visiteurs viennent déposer eux-mêmes des radis en offrande. Une fois utilisés sur l’autel par les moines, les daïkons de la veille sont tamponnés du sceau « 御供物 » (offrandes). Ces derniers sont entreposés dans une corbeille, on peut les prendre gratuitement pour les cuisiner chez soi. L’encre rouge utilisée est en effet comestible. C’est la première fois que je vois un temple dans lequel les offrandes sont redistribuées aux croyants. C’est un beau partage.
J’ai beaucoup aimé cette visite d’une demi-journée : historique, calme, inattendue. Si vous voulez vous échapper de la foule d’Asakusa, prenez le temps de visiter Imado, vous découvrirez un Tokyo du quotidien qui perpétue toujours ses traditions.
Pour retrouver facilement tous les lieux de cet article, je vous invite à consulter la carte ci-dessous :