Interview de M. Miyake, producteur de saké à Hiroshima

Comme promis à la fin de l’article où je vous racontais ma super journée au salon du saké, je termine la visite en vous présentant M. Miyake, brasseur de saké dans la région d’Hiroshima, qui a bien voulu répondre à mes questions et nous en apprendre plus sur son métier.

Ma première interview : c’est parti !

Comment mener une interview ? Heu… avec une liste de questions préparées à l’avance… et au feeling 😉 ! En vérité, j’ai bénéficié de l’aide d’une amie qui s’est proposée de traduire toute la trame de l’interview en japonais, et qui a joué l’interprète au cours de notre échange. J’ai transmis le questionnaire traduit quelques jours avant à M. Miyake qui a pu alors préparer ses réponses. J’ai été très impressionné de voir qu’il avait sacrément bien travaillé notre rencontre car il est venu avec la totalité de son texte tapé sur plusieurs feuilles A4, « pour ne rien oublier » m’a-t-il confié. Avec toujours un petit mot pour rire (la photo ne reflète pas du tout sa personnalité !), j’ai vraiment passé un excellent moment à ses côtés, même si la barrière de la langue faisait que j’avais quelques secondes de retard de réaction ! Je suis en tout cas hyper motivé pour perfectionner mon apprentissage du japonais, démarré assidument cette année, afin d’être autonome.

Mais assez parlé, entrons dans le vif du sujet : le saké !

Commençons par le commencement : quelle différence y a-t-il entre le saké japonais (nihonshu) et le vin ?

Le saké a un degré d’alcool proche du vin, entre 12 et 18 ° en moyenne, mais il est produit à partir de riz ce qui nécessite un processus plus complexe.

Une fois moissonné, il faut polir le riz pour retirer sa pellicule et ses protéines superficielles afin de ne conserver que le cœur du grain bien blanc, et riche en amidon. Ces grains sont étuvés, puis leur amidon sera alors dégradé en sucres simples par un champignon que l’on appelle koji, ou Aspergillus oryzae (note aux lecteurs, c’est très amusant d’entendre un japonais parler en latin). Les sucres simples issus du travail du koji vont alors pouvoir entamer une fermentation alcoolique grâce à une levure que l’on ajoute avec de grandes quantités d’eau. Avec le raisin, c’est beaucoup plus simple car les sucres sont directement accessibles dans le fruit une fois pressé.

Cycles de production du saké et du vin.
Cycles de production du saké et du vin.

Un processus plus complexe mais qui a l’avantage de pouvoir fabriquer du saké en continu toute l’année puisque le riz peut être facilement conservé contrairement au raisin…

Même si le riz est sec, on ne peut produire du saké qu’au cours de l’hiver, lorsque les températures sont assez basses pour permettre un contrôle optimum des cycles de fermentation. Une fois poli, le riz arrive en continu à la brasserie pour y être transformé sur une période de production qui dure environ 6 mois.

Pour résumer, il faut donc au départ des hommes, du riz, le koji et de l’eau ?

Tout à fait, c’est uniquement à partir de ces ingrédients simples que le maître-toji, brasseur en chef, arrive à produire du saké ! Plusieurs paramètres vont influencer la qualité et le goût du saké définitif.

Le riz est essentiel. On utilise pour cela des variétés spéciales, aux grains très durs et riches en amidon, pouvant résister à l’étape de polissage sans être broyés. Elles sont très différentes des variétés de riz de table.

Mais l’eau est certainement le paramètre le plus important, c’est elle qui définit le goût d’un saké. L’eau utilisée par chaque brasserie dispose de propriétés minérales spécifiques qui vont définir le bouquet de saveurs de chaque saké. Plus que le riz, c’est l’eau qui rend chaque saké unique.

Le niveau du polissage du grain influence également le profil de chaque saké (voir tableau ci-dessous). Avec des grains polis à plus de 50 % (type Daiginjô), les sakés seront légers et aromatiques alors que si les grains ne sont polis qu’à 30 % (cœur de riz conservé à hauteur de 70 %), les sakés seront plus riches et plus corsés.

On peut enfin ajouter de l’alcool neutre pour les sakés du style Honjôzô afin de stopper la fermentation alcoolique au moment opportun pour stabiliser le saké, ou ne travailler qu’avec les cycles naturels sans ajout d’alcool pour les sakés de style Junmai.

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Vocabulaire de base à mémoriser pour faire fureur en soirée !

Dites-nous en plus sur les maîtres-toji. Est-ce qu’il existe une formation spécifique pour exercer ce métier ?

Il n’existe pas d’école pour devenir brasseur de saké, seul un travail assidu et quotidien auprès d’un maître-toji permet d’acquérir l’expérience nécessaire pour être en mesure d’exercer un jour soi-même ce métier. Au bout de 3 ans, un maître-toji est capable de discerner si son élève aura les capacités de lui succéder un jour, mais ce ne sera qu’après une période minimale de 10 ans de travail dans l’atelier qu’on peut espérer prendre le titre de Toji-san.

10 ans d’apprentissage, c’est beaucoup de travail ! Pourquoi tout ce temps ?

Le maître-toji est avant tout un chef d’orchestre : il doit savoir parfaitement communiquer, diriger son atelier, son équipe… et rester en bonne santé ! La fabrication du saké est surtout fortement dépendante du climat, il faut continuellement avancer malgré les aléas et les difficultés qui peuvent survenir chaque jour car on ne peut pas arrêter la production. Un degré de plus ou de moins, une variation de l’humidité de l’air, et c’est tout le processus de fermentation qui est perturbé. Il faut donc travailler avec la nature, la comprendre pour s’adapter à elle afin de réussir à toujours produire un bon saké.

Dernière question avant de nous quitter : est-ce qu’un kami (dieu protecteur) veille sur les maîtres-toji ?

La question est très drôle (rire aux éclats) ! Au Japon, chaque chose peut être un kami, et il y a un kami pour chaque chose ! Il n’y a pas de kami particulier pour le saké.

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Sempuku Shinriki (bouteille jaune) : mon saké préféré de la brasserie Miyake !

 

J’espère que cet entretien vous donnera envie d’aller plus loin : déguster ! Pour vous initier, je vous propose une fiche pratique en téléchargement gratuitement !

Fiche pratique de dégustation de saké japonais (nihonshu). Comment ressentir simplement les arômes et le goût comme un sommelier ? Quelles différences avec une dégustation de vin ?

 

 

 

 

 

 

 

Si vous voulez utiliser cette infographie, vous pouvez le faire en insérant la mention suivante : « Infographie réalisée par le site Japan kudasai : https://www.japan-kudasai.com/ ». Tous droits réservés.
 

Pour finir, j’invite les heureux possesseurs d’un abonnement Netflix à regarder de toute urgence l’excellent reportage « The birth of sake », tourné dans la brasserie Yoshida, qui permet de comprendre l’exigence et toute la difficulté qu’exige la production de saké (sous-titrage en VF disponible sur Netflix).

Je vous mets ci-dessous la bande-annonce. Kanpai !

4 commentaires sur “Interview de M. Miyake, producteur de saké à Hiroshima

  1. Je pense que je partagerai ton article à l’occasion, lors d’une prochaine évocation de nos dégustations de saké 🙂
    C’est super bien expliqué !

    …par contre va falloir arrêter de picoler hein !!! XD (je ne pouvais pas valider mon commentaire sans faire cette blague pourrie ahaha)

    1. Tant qu’on boit avec modération et qu’on déguste délicatement ces petits sakés qui n’attendent que ça, tout va bien. Il faut juste éviter de faire des mélanges en rajoutant de l’umeshu à l’apéro, du yuzu pétillant au dessert, un verre de bière Asahi avec les sushis… Toute ressemblance avec une situation réelle est évidemment un pur hasard XD !

    1. Excellent, je ne pensais pas être si bien référencé par notre ami Google ^^ ! Je vais peut-être passer à Saijo cet automne et je croise les doigts pour tenter la visite de la brasserie.

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